DIALOGUES DES CULTURES ET DES RELIGIONS:
l'EXEMPLE DES « UNIVERSITES DE LA PAIX DE LOURDES


La chute du mur de Berlin et la fin de l’Union soviétique a annoncé la fin d’un monde bipolaire où s’opposaient deux idéologies : le communisme soviétique contre le capitalisme. La nature comme la géopolitique ayant horreur du vide, d’autres clivages sont apparus ou réapparus. Ils ne sont plus simplement idéologiques, comme au temps jadis, mais aussi identitaires, dans le pire des cas ethniques, nationalistes, religieux.


Dans ce nouveau monde contemporain, on peut remarquer la montée préoccupante de ces différents acteurs. Les facteurs moteurs d’une telle dynamique sont multiples et variés mais en premier lieu nous devons souligner l'ignorance, les préjugés, les simplifications arbitraires et mensongères. Ces attitudes destructives ne sont pas le propre de tel ou tel pays mais touchent des nations sur chaque continent. L’exemple des différentes crises dans les Balkans nous montre bien que même l’Europe doit se prémunir contre ces dérives.

Pour casser la barrière et l’obstacle de l’ignorance, il faut aller vers le dialogue dans le respect et dans une véritable et sincère compréhension mutuelle.

Avant d’aller plus loin dans mon écrit, j’aimerais revenir à la théorie d’Huntington pour mieux démontrer la nécessité du dialogue et / ou des dialogues. Il décrit dans son modèle conceptuel un nouveau fonctionnement des relations internationales après l'effondrement du bloc soviétique à la fin des années 1980 en démontrant des antagonismes entre les civilisations où le culturel et le religieux occupent une place centrale. Ce ne sont plus des nations qui s’opposent, comme aux XIXème et XXème siècles mais des civilisations ou des « espaces civilisationnels ».


Il y a des limites à une telle analyse : ce découpage du monde en différentes civilisations est arbitraire et l’auteur lui-même reconnaît quelquefois la faiblesse de certains choix d’espace civilisationnel. Quant à la civilisation musulmane par exemple, elle masque l’extrême complexité des différentes tendances de la religion et les éventuels conflits internes. Par la connaissance de l’autre que nous apporte le dialogue nous nous gardons de ces vues et analyses trop manichéennes.


Comme nous le montre l’histoire humaine, les civilisations ne sont pas imperméables les unes aux autres. Elles se sont toujours construites sur leurs capacités à intégrer des apports extérieurs et à échanger pour apporter et recevoir sans que cela ne débouche de façon automatique et implacable sur des conflits. Le métissage est aussi un autre phénomène de ces échanges inter-civilisationnels qui est porteur d’espérance. Une interprétation donc trop manichéenne comme celle d’Huntington de notre monde « post guerre froide », peut tout à fait légitimer des politiques qui auraient tendance à lui conférer une réalité : c’est la dérive des prophéties auto-réalisatrices.


Mais on peut remarquer que partout dans le monde, des individus, des groupes ont développé des aspirations pacifiques, démocratiques, et respectueuses des différences de chacun afin de favoriser l'ouverture des esprits sur l'extérieur. Défenseurs d’une diversité pacifique, constructive et harmonieuse, ils proposent des réflexions et des débats et participent à la constitution et à l'enrichissement d'une vision humaniste du monde.

Dans les pays multiethniques, ils développent un dialogue et une coopération culturelle entre différents groupes issus des communautés en présence. Ce sont les acteurs de véritables politiques de prévention contres des conflits futurs.


C’est le cas, par exemple, des « Universités de la Paix » de Lourdes.



Depuis l’année 2000 dans la ville pyrénéenne de Lourdes, se déroule un événement autour du thème de la Paix. Dans le programme de cette manifestation, on ne trouvait initialement qu’un grand concert au mois d’août. Depuis 2005, l’adjoint au Maire de Lourdes Michel Azot a pris la décision d’enrichir ce concert de deux ou trois journées de dialogue et d’échange entre les différentes cultures et les différentes religions. Ce qui nous amène à présenter la « Charte de Lourdes pour la Paix » qui cette année là a été signée par les délégations israélienne, palestinienne, tibétaine… Dans cette charte, on retrouve les principes fondateurs et des actions à entreprendre, je cite:

- le respect de la personne humaine et de la vie ;

- la connaissance de l’autre : ses racines, son histoire, sa culture, ses convictions ;

- l’organisation de rencontres et la recherche du dialogue.

C’est sur la base de ces trois principes que les « Universités de la Paix » actuelles ont vu le jour. Les prochaines se tiendront à Lourdes du 15 au 17 mai 2009.


Pour continuer sur le travail qui est mené à Lourdes, nous pouvons présenter la visite le 24 octobre 2008 d’un personnalité du gouvernement de Najaf , Ahmed al-Fatwi. Cette visite soulignait l’histoire exceptionnelle, la notoriété internationale et la vocation spirituelle pluriconfessionnelle de la ville de Lourdes. Pendant les échanges qui s’en sont suivis, il a été décidé de nouer des échanges entre nos deux municipalités. C’est la première fois qu’une ville dont la religion principale est l’islam aborde une volonté aussi nette de rapprochement. C’est une perspective qui pourrait permettre une approche déterminante du dialogue entre nos deux religions. En 2012, Najaf sera la capitale de la culture islamique. Cela pourra être l’occasion de rencontres, d’échanges, entre les deux cultures. Voilà comment deux villes sont déjà ensemble pour travailler pour la Paix.


Juste avant, du 13 au 15 septembre, la ville de Lourdes a accueilli le Souverain Pontife devant 180 000 pèlerins qui l’ont suivi depuis Paris ou qui s’étaient déplacés pour voir le « nouveau » Pape afin de l’écouter. Ce sont des paroles d’amour, d’espoir et de paix qui ont constitué l’essentiel des discours de Benoît XVI. « La puissance de l’amour est plus forte que le mal qui nous menace… ». C’est ce qu’a affirmé le Pape lors de sa messe pour les 150 ans des apparitions, le dimanche 14 septembre.


Je voudrais souligner d’autres faits porteurs d’espoir dans le dialogue entre le christianisme et l’islam comme la lettre des 138 sages musulmans envoyée à Benoît XVI ou la visite du roi Abdallah d’Arabie Saoudite au Saint Siège.


Il y a nombre d’autres initiatives du même type que celle de la ville de Lourdes, car beaucoup de personnes croyantes ou pas sont désireuses de dialogues afin de bâtir un monde plus pacifique. Si j’ai pris cet exemple, c’est parce que j’y ai participé et que je pense que l’on ne peut bien parler que de ce qu’on connaît. L’essentiel étant de tous travailler ensemble pour donner à nos enfants et aux générations suivantes un monde plus beau.

Olivier VEDRINE


PS : Je tiens à remercier la ville de Lourdes et la société italienne de communication MAB.q (Paris, Milan, Rome) pour m’avoir envoyé le premier numéro de la Newsletter des « Universités de la Paix de Lourdes », ses articles m’ont aidé à vous présenter cette manifestation.