Interview easybourse > Philippe Joly, responsable de la Communication Financière et du Marketing Groupe chez Eramet
« Notre situation financière peut nous permettre de considérer des opérations jusqu’à 1Md€ »
Vos résultats semestriels traduisent une amélioration de votre chiffre d’affaires mais une dégradation des performances opérationnelles, comment l’expliquez-vous ? La croissance du chiffre d’affaires s’explique par le fait que nos programmes d’investissements dans de nouvelles capacités commencent à monter en régime alors que les principaux marchés du Groupe connaissent cette année une forte croissance (notamment les aciers au carbone et les aciers inoxydables, ainsi que l’aéronautique). Notre chiffre d’affaires bénéficie donc d’effet volumes positifs dans nos trois branches, le nickel, le manganèse et les alliages.
La baisse du résultat opérationnel au 1er semestre 2006 s’explique principalement par la forte baisse des prix du manganèse, mais par rapport à un niveau qui était exceptionnellement élevé au 1er semestre 2005. La rentabilité de notre branche Manganèse reste d’ailleurs très appréciable, avec un ROCE de plus de 25 % au 1er semestre alors que certains de nos grands concurrents sont en perte sur leur activité manganèse, ce qui illustre bien notre compétitivité, qui résulte des restructurations que nous avons mené à bien en 2003 et 2004.
Nous sommes par ailleurs, comme les autres acteurs de nos secteurs, touchés par la hausse des coûts de l’énergie et, pour notre branche Alliages par la hausse des coûts des matières premières, même si ces derniers sont répercutés dans nos prix de vente.
Eramet Nickel s’est très bien comportée. A quoi attribuez vous son succès et se prolongera t’il au second semestre? Les cours du nickel, qui sont fixés au London Metal Exchange, étaient élevés au 1er semestre 2006. Par ailleurs, nous avons accru nos livraisons au marché grâce à la montée en régime de nos nouvelles capacités. La hausse des livraisons est proche de 17 % au 1er semestre 2006. Au 2ème semestre nos livraisons devraient être un peu moins élevées qu’au 1er semestre. En effet, notre objectif de production est de l’ordre de 67 000 t de nickel, soit une hausse d’environ 12% sur l’année. Sur le plan des cours du nickel au LME, le 2ème semestre a très bien commencé, avec des hausses très importantes. Nous avons par ailleurs engagé un programme de couvertures sur les prix du nickel qui concerne 60 % de nos livraisons attendues pour le 2ème semestre.
Votre activité Manganèse a en revanche marqué le pas sous l’effet de la baisse des prix. Anticipez vous un redressement d’ici la fin de l’année ? Le redressement a déjà commencé et la baisse du 1er semestre 2006 traduit principalement un effet de base de comparaison défavorable. Le marché du manganèse est à 90% l’acier au carbone, qui est très bien orienté, avec une hausse attendue de la production mondiale de l’ordre de 10% en 2006.
Notre branche manganèse vend d’une part du minerai de manganèse et d’autre part des produits transformés, les alliages de manganèse, qui sont vendus aux aciéristes. Les prix des alliages ont commencé à se redresser dès la fin de l’année 2005, avant ceux du minerai, et ce mouvement de hausse se poursuit actuellement.
La baisse des prix du minerai de manganèse s’est poursuivie jusqu’à la fin du 1er semestre 2006. L’offre mondiale de minerai a été plus lente à s’ajuster alors que des stocks excessifs ont été constitués pendant la période où les prix ont flambé.
Nous remarquons actuellement une accélération de la demande de minerai et notamment en ce qui concerne les importations chinoises, ce qui est un facteur positif.
Quid des perspectives d’Eramet Alliages ? Eramet Alliages continue à monter en régime pour répondre à la très forte demande de ses clients du secteur de l’aéronautique. Notre nouvelle usine de forgeage-matriçage de Pamiers, près de Toulouse, tournée vers les marchés de l’aéronautique, a démarré au mois de juin et commence son processus de qualification de premières pièces. Par ailleurs la branche Alliages met en œuvre un certain nombre d’actions pour réduire son besoin en fonds de roulement et accroître la sélectivité dans ses prises de commandes, ce qui sera positif pour l’amélioration progressive de sa rentabilité.
Comment voyez-vous évoluer les cours du nickel et du manganèse à court-moyen terme ? Les cours du nickel au LME se situent depuis le mois de juillet à des niveaux jamais atteints, autour de 30 000 USD/tonne alors que le marché physique est globalement équilibré. Il y a donc un risque de forte volatilité au 2ème semestre et un retour des cours vers des niveaux moins élevés est possible.
Les prix des alliages de manganèse sont bien orientés et on peut espérer voir à moyen terme un redressement progressif des prix du minerai de manganèse, grâce à la forte croissance de la production d’acier chinoise et mondiale.
Quels sont vos objectifs pour 2006 ? Nous avons confirmé que le résultat opérationnel courant au 2ème semestre 2006 devrait être supérieur à celui du 2ème semestre 2005, voire en forte hausse si les cours du nickel se maintenaient au niveau actuel.
La fusionnite a gagné votre secteur avec le rachat de Falconbridge par Xstrata et l’offre de CVRD sur Inco. Comment interprétez-vous ce mouvement ?
Deux grandes motivations expliquent ce mouvement : La recherche de la concentration, tout d’abord, est une tendance qui dépasse le seul secteur de la mine, et qui conduit généralement à l’amélioration de la rentabilité des industries concernées. Par ailleurs, dans le domaine de la mine, certains grands acteurs sont engagés dans la recherche d’une taille globale et d’une diversification plus importante, afin de se rapprocher des deux leaders du secteur, qui bénéficient d’une valorisation plus élevée de la part des marchés boursiers.
Au-delà de ces motivations, on notera aussi que les acteurs de la mine sont dans une situation financière qui les conduit à rechercher une utilisation de leurs liquidités, avec le risque de certains excès.
Envisagez vous d’y jouer un rôle actif ?, Dans l’affirmative, allez-vous endosser l’habit de consolidateur ou celui de consolidé ? Notre modèle de développement combine un fort programme d’investissements industriels internes, qui concerne nos trois branches et, de façon sélective et compatible avec notre taille, la croissance externe. Nous avons déjà des positions de leadership mondial dans chacun de nos trois métiers et nous cherchons à renforcer encore ces dernières.
Nous avons ainsi réalisé au mois de mai 2006 l’acquisition de la société canadienne Weda Bay Minerals, qui détient un gisement de nickel de classe mondiale en Indonésie. C’est un succès très important pour Eramet car ce gisement nous permettra à terme de doubler de taille dans le nickel. Il s’agit d’un projet encore à un stade très amont, pour lequel nous allons réaliser des études techniques approfondies en apportant nos compétences et notre know-how car ces minerais sont de type oxydé, de la même famille que ceux que nous exploitons en Nouvelle Calédonie.
Le procédé qui sera utilisé pour traiter le minerai sera de type hydrométallurgique, c'est-à-dire qu’il mettra en œuvre un traitement chimique du minerai au lieu d’utiliser des fours, comme les procédés pyrométallurgiques traditionnels. Il sera donc beaucoup moins consommateur d’énergie que ces derniers, ce qui est un atout compétitif très important dans un contexte de prix de l’énergie peut-être durablement élevés.
Sur le front des acquisitions, vous avez pris récemment le contrôle de Weda Bay Minerals pour 169M€. Seriez-vous candidat à la reprise du gisement de Koniambo si Falconbridge se désengageait à la suite de son rachat par Xstrata ? Le gisement du Koniambo, qui appartenait à Eramet, a été transféré fin 2005 à la SMSP, société minière locale liée à la Province Nord de la Nouvelle Calédonie, associée à notre concurrent canadien Falconbridge. Ce transfert a été réalisé dans le cadre des Accords de Bercy, qui conditionnaient strictement ce transfert à la réalisation effective de l’usine de nickel projetée par Falconbridge dans le Nord de la Nouvelle Calédonie. Eramet s’est pour sa part déclaré prêt à réaliser lui-même une usine de nickel dans le Nord de la Nouvelle Calédonie si le gisement du Koniambo lui revenait dans le cadre des Accords de Bercy, c'est-à-dire si Falconbridge décidait de ne pas mener à bien son propre projet.
Quelle marge de manœuvre financière disposez vous pour faire vos emplettes ? Notre situation financière peut nous permettre de considérer des opérations jusqu’à hauteur d’environ un milliard d’euros.
Votre titre a consolidé cette semaine mais conserve une solide avance depuis le début de l’année. Son niveau reflète t’il le potentiel de votre société et son caractère opéable ? La dynamique de croissance du Groupe et la nouvelle dimension stratégique et géographique à laquelle il accèdera avec le développement du projet Weda Bay Nickel sont des facteurs favorables, d’autant qu’il existe un écart de valorisation significatif par rapport aux leaders diversifiés du secteur.
Le mot de la fin pour vos actionnaires. Eramet est un Groupe doté d’une grande solidité financière et de positions de premier plan dans chacun de ses domaines d’activités, qui sont en croissance.
Nous exploitons des actifs miniers que peuvent nous envier tous les grands leaders mondiaux de la mine et nous avons lancé des programmes de croissance importants qui commencent à porter leurs fruits. Nous sommes donc optimistes pour l’avenir.
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